Histoire

Bol, Province du Lac – Depuis quatre ans, Achta consacre sa vie à faire entendre la voix des femmes rurales tchadiennes dans leur combat pour mettre fin à la violence basée sur le genre et aux inégalités.

En tant que présidente de l'Association locale des femmes auxiliaires juridiques de la ville de Bol, dans la province du Lac au Tchad, sa mission est claire et simple : changer les mentalités et les attitudes négatives envers les femmes.

Le groupe rassemble vingt 20 femmes formées à l’accompagnement et aux premiers soins psychosociaux aux survivantes de violences basées sur le genre dans la communauté.

« Nous avons créé l'association en 2018 car nous voulions changer l'avenir de nos enfants. Nous ne voulions pas qu’ils vivent les mêmes expériences que nous et nos parents ».

Aujourd'hui, l'association est devenue l'une des organisations les plus importantes qui aident les survivantes de violence basée sur le genre à reconstruire leur vie, en leur fournissant des conseils et en les orientant vers des services médicaux et juridiques.

Au Tchad, plus d'un tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans qui ne sont pas célibataires ont survécu à des violences physiques, psychologiques ou sexuelles commises par un proche parent, selon un rapport de 2015 de l'Institut national de la statistique.

Cette incidence tend à être plus élevée dans les zones rurales comme Bol, où les contraintes sociales et l’absence de structures d'écoute dédiées limitent l'accès aux services médicaux, juridiques et psychosociaux pour les survivantes de violence basée sur le genre.

Selon un superviseur des services de prise en charge de ce type de violence, un nombre alarmant de cas de violence basée sur le genre, tels que le mariage précoce, le mariage forcé, le viol, la privation de ressources et d'éducation, et bien d’autres, a été enregistré dans la ville depuis le début de l'année.

« Au début, ce n'était pas facile », explique Achta avec sincérité. « Nous avons commencé les réunions dans ma propre maison parce que nous n'avions pas d'espace où nous réunir, et mon mari me taquinait en disant que nous allions créer des problèmes dans la communauté ».

Pour combler cette lacune, entre 2020 et 2021, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a réhabilité quatre centres d'écoute communautaires dans la province du Lac afin d'offrir aux communautés des espaces sûrs pour des discussions ouvertes et a formé 75 assistantes juridiques aux techniques de premiers secours et d’accompagnement psychologiques.

Au centre d'écoute de Bol, Achta rencontre régulièrement des jeunes filles et des femmes survivantes pour leur offrir son écoute et un soutien social.

« Lorsque les survivants viennent nous voir, ils portent un fardeau dont ils veulent se débarrasser. Notre travail ne consiste donc pas seulement à les écouter, mais aussi à les sauver", explique Achta.

Amos, le superviseur de l' « Association pour la promotion des libertés fondamentales du Tchad » (APLFT) et deux assistantes juridiques qui travaillent avec Achta pour conseiller les survivants de violences basées sur le genre. Photo : OIM/2022 Francois-X

Les assistantes juridiques de l'association ont également été dotées de téléphones portables pour suivre les dossiers en fonction des besoins. Cela a renforcé les services de prise en charge, grâce à un mécanisme de suivi et d'orientation qui permet de gagner du temps et d'être plus réactif.

L'association mène régulièrement des actions de sensibilisation et organise des dialogues au sein de la communauté afin d'accroître la prise de conscience et de favoriser un changement de comportement à l'égard des femmes.

« C'est l'ignorance qui pousse certaines personnes à maltraiter leurs filles et leurs femmes. Comment un homme peut-il laisser sa femme avec des contractions pendant trois ou quatre jours à la maison alors que le centre de santé n'est qu'à quelques pas ? », dit-elle.

Malgré les nombreux défis, Achta reste confiante et optimiste. Elle a déjà observé une diminution du taux de grossesses non désirées chez les jeunes de la région, qu'elle attribue en partie au travail de l'association.

« Certaines personnes disent que ce sont nos coutumes et nos habitudes et que nous ne pouvons pas les changer, mais ce n'est pas vrai. Nous ne naissons pas avec nos habitudes ; les habitudes sont des comportements et les comportements peuvent changer », ajoute-t-elle.

Depuis 2020, l'OIM s'efforce d'intégrer la lutte contre la violence basée sur le genre dans ses programmes d'urgence et de stabilisation communautaire dans la province du Lac au Tchad. Grâce à des partenariats avec des acteurs locaux tels que l'Association des femmes auxiliaires juridiques et la Croix-Rouge tchadienne, les survivants ont désormais un meilleur accès à l'information, au conseil et à l'orientation vers des services médicaux et juridiques.

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